Le projet de loi de finances pour 2024, fraîchement sorti des bureaux dorés du ministère de l’Économie, est un cocktail plutôt prévisible d’austérité enrobée de bonnes intentions. Derrière les slogans habituels sur la lutte contre l’inflation et la transition écologique, on trouve quelques vieilles recettes, de nouveaux gadgets et des économies qui, comme toujours, reposent sur des paris risqués.
La transition écologique : les grands moyens… ou presque
Commençons par le plat principal, l’éternel refrain de la transition écologique. Cette année, c’est un record : 40 milliards d’euros sont promis pour sauver la planète, dont 7 milliards d’euros supplémentaires par rapport à 2023. Impressionnant sur le papier, certes. Mais ce chiffre inclut une flopée de subventions à tout ce qui peut vaguement se revendiquer « vert ». On parle de vélos subventionnés, de rénovations énergétiques et de trains — beaucoup de trains. Le tout assorti d’une « planification écologique » qui semble avoir été conçue avec autant de pragmatisme qu’un scénario de science-fiction.
L’ambition est louable, mais la réalité est souvent plus prosaïque. Ces milliards sont éparpillés entre des projets variés, dont certains n’en sont qu’au stade de l’incantation bureaucratique. Certes, tout cela permet au gouvernement de se donner bonne conscience à la COP28, mais les véritables impacts, eux, se feront sans doute attendre.
Le déficit : encore et toujours un gouffre
Pour les plus pessimistes, le vrai sujet du budget reste le déficit public. Avec un ratio de 4,4 % du PIB en 2024, le gouffre continue de se creuser, même si on nous assure que la situation est sous contrôle. Si vous espériez un redressement spectaculaire, détrompez-vous. La dette publique, cette vieille compagne des gouvernements successifs, reste bien accrochée à 109,7 % du PIB, et ce, malgré l’annonce d’une éventuelle décrue à partir de 2025. Ce n’est pas pour demain qu’on sortira des chiffres rouges.
Pour justifier cette inertie, le gouvernement a choisi une méthode bien rodée : accuser les « crises extérieures ». Inflation galopante, guerre en Ukraine, hausse des taux d’intérêt… autant d’excuses bien pratiques pour expliquer pourquoi l’État continue de vivre au-dessus de ses moyens. La vérité, c’est que les réformes structurelles, celles qui devraient réellement rééquilibrer les finances publiques, avancent au rythme d’un escargot boiteux.
Les miettes pour les ménages
Face à cette inflation galopante, le gouvernement a décidé d’ajouter un peu de beurre dans les épinards pour les ménages : indexation de l’impôt sur le revenu et revalorisation des prestations sociales. En théorie, cela devrait préserver le pouvoir d’achat, mais dans les faits, les 6,1 milliards d’euros injectés dans l’indexation fiscale ressemblent davantage à un pansement sur une hémorragie qu’à une véritable cure. La fameuse « indemnité carburant » de 100 euros, destinée à soulager les travailleurs les plus modestes, a le mérite d’exister. Mais si l’on considère les prix actuels à la pompe, cela revient à offrir une paille à quelqu’un qui se noie.
Même les étudiants ont droit à leur part de compassion budgétaire, avec une revalorisation des bourses de 37 euros par mois. Une somme qui permettra tout juste de couvrir la moitié d’un ticket de cinéma. La tarification à un euro dans les restaurants universitaires, quant à elle, est prolongée, comme pour nous rappeler que la précarité étudiante est bien là pour durer.
Et pour le reste ?
Les autres points du budget sont tout aussi symptomatiques d’une gestion en mode survie. Les dépenses de sécurité, de justice et de défense sont à la hausse, avec des milliards supplémentaires alloués pour renforcer l’appareil régalien de l’État. Mais ne nous y trompons pas : ces crédits serviront autant à maintenir les apparences qu’à affronter les véritables défis sécuritaires.
En bref, ce budget 2024 ressemble à un subtil mélange de demi-mesures et de paris sur l’avenir, avec en toile de fond un déficit qui continue de s’enliser et une transition écologique au goût de compromis. En résumé, l’État promet de serrer la ceinture tout en jonglant avec les promesses vertes, espérant que cela suffira à calmer les inquiétudes des uns et les aspirations des autres. Un exercice de haute voltige, comme d’habitude.